JULIEN
BENHAMOU
Rencontres derrière l’objectif
Entretien avec le photographe Julien Benhamou
Paris, 20/05/2018
Photographe de spectacle spécialisé dans la danse depuis plus de 10 ans, comme il se présente modestement, Julien Benhamou est bien plus que ça. Capter l’essence d’une narration exige d’abord une fine compréhension du mouvement, du corps humain et de son récit somatique, sans doute la composante la plus tangible et expressive d’une histoire. Avec ses temps infinitésimaux d’exposition et avec la précision révélatrice de ses éclairages, Julien sait initier le regard au-delà du visible. Il dévoile pour nous les rares moments où l’élan vainc la gravitation, où l’esprit éclipse la matière et l’humain touche au sacré.
Ce qui est intéressant dans son travail ce n’est pas seulement la spatialité –ou la relation à cette géographie toujours changeante et parfois torturée du corps humain–, mais également le rapport au temps. Comment surprendre une expression ou une émotion furtive et la rendre éternelle ? Comment libérer le mouvement et le vivant de la tyrannie du temps ? Les performeurs et les danseurs photographiés par Julien sur la scène de l’Opéra National de Paris ou d’autres grandes scènes ne sont pas que des éphémérides sur une affiche : ils deviennent immortels, comme des dieux dans un temple grecque, ils existeront pour toujours dans les coulisses du temps.
Nous avons eu le plaisir et la chance de travailler avec Julien pour la campagne “Liquides Imaginaires – Parfums d’élévation”. Grâce à nos passions partagées pour l’envol, l’élévation et la transcendance, nous avons échangé avec Julien quelques impressions sur sa démarche photographique et ses sources d’inspiration.
Liquides Imaginaires : Julien, peux-tu nous raconter en quelques mots ton parcours ? ton travail ?
Julien Benhamou : Je suis photographe spécialisé dans le portrait et la danse. J’ai commencé des recherches sur le mouvement et le corps il y a près de 10 ans et je travaille beaucoup à l’Opéra de Paris en ce moment, avec des performeurs et leurs corps. Je suis dans une démarche de l’élévation et de figer un instant. Oui, je suis dans l’idée du mouvement figé. Deux mots qui définissent mon travail : poétique et esthétique.
LI : Le photographe de scène est un photographe du mouvement, de l’imaginaire et de la narration, idées centrales à la marque Liquides Imaginaires. Comment as-tu trouvé le brief pour la campagne “Parfums d’Élévation” ?
JB : L’élévation – c’est vraiment un de mes questionnements artistiques quotidiens. Mon travail c’est vraiment ça. L’élévation. Le moment arrêté. La mission créative était très cohérente avec mon propre travail. C’était en résonance avec mes propres questionnements.
Dès le départ, Philippe avait une intention très claire, celle de l’élévation. On a commencé à travailler et à réfléchir ensemble à partir de ces notions-là : l’élévation, cela veut dire quelque chose de vaporeux, fluide, léger, en mouvement ou en suspension. Ensuite, j’ai proposé des personnes pour le casting, des éléments de décor. On est partis initialement sur des photo, mais plus le projet avançait, plus on s’est dit que la vidéo serait très adaptée, donc on l’a fait.
LI : Quelles sont les émotions associées à l’élévation que vous avez souhaité de transmettre ?
JB : Je voulais quelque chose de positif. Il y a une photo où il y a les mains qui vont vers le ciel. Ils sont très beaux, avec leurs expressions, il y a de la fluidité, du lâcher-prise. Pour moi, l’élévation c’est principalement quelque chose de positif.
LI : Qu’est-ce qui t’a inspiré dans le travail pour Liquides Imaginaires ?
JB : Travailler avec des parfums et avec Philippe, qui est un passionné. Je me suis demandé comment rendre la projection du parfum sur le corps.
LI : Faisons un exercice imaginaire. Quelle serait ta réponse photographique pour illustrer l’idée de retour au sacré ?
JB : Un lien entre la sol et l’air, pas forcément une élévation, ça peut être des pieds dans la terre et les bras dans l’air.
LI : Comment représenterais-tu une espace imaginaire ?
JB : Ça me fait penser à des nuages, à l’hiver, en tout cas, quelque chose de cotonneux…
Et le temps imaginaire ?
JB : Un énorme sablier !
LI : Quels sont les attributs qui te viennent à l’esprit quand tu penses à la marque Liquides Imaginaires? Qu’est-ce que la marque a de plus précieux, à ton avis ?
JB : Je pense d’abord aux éléments : l’eau, la terre, le feu. Je pense à une explosion d’éléments, quelque chose de très fort. Ces parfums racontent une histoire, apportant quelque chose d’ancestral et de moderne en même temps, comme une sorte de chaman, mais d’aujourd’hui.
LI : Si la marque était un personnage historique, fantastique ou mythologique, qui serait-elle ?
JB : Éros. Pour moi, il y a un rapport sensuel très fort avec les parfums et avec cette marque.
LI : Dans ton travail, on retrouve toujours un équilibre très fin entre la réalité et l’imaginaire, entre matière et esprit, entre le tangible et l’immatériel. En quoi consiste la démarche photographique de révélation de la partie “volatile” des choses ?
JB : Dans mon travail, la magie opère grâce au mouvement figé. Ce qui m’intéresse c’est de montrer quelque chose qui existe, mais qu’on ne voit pas. Lorsqu’il y a des sauts ou des mouvements, on voit dans une continuité de choses, mais dès qu’on l’arrête grâce à la photographie, on peut voir une autre version de la réalité, que l’on voit peut-être pas à l’œil nu.
LI : La photo et le parfum font appel à des sens qui n’ont pas de point de contact. Comment peut-on rendre visuel un parfum, est-ce un challenge ?
JB : Un challenge, non, parce qu’en fait, dans l’imagerie des parfums il y a beaucoup de visuels. Donc, pour moi c’était très cohérent de faire des photos qui représentent une odeur. C’est comme une illustration d’une idée, c’est ce sur quoi je travaille en général. Pour moi, c’était très cohérent.
LI : Quels sont les éléments constitutifs du sens d’élévation ?
JB : La mystique. Le dépassement de soi. Le divin. Le surnaturel. L’ancestral. La poésie. Le rêve. Des sentiments exaltés, le sentiment amoureux, la joie, que des sentiments positifs. C’est comme s’il y avait l’âme qui s’exprimait.